Cette scène est touchante, mais elle n’est pas rare.
Une mère félicite son fils à la suite d’une importante réussite.
Là où cette embrassade s’avère plus rare, c’est que ce jeune joueur de tennis de 24 ans, Brendan Holt, vient de remporter un premier match au tableau principal des Internationaux des États-Unis, un exploit que sa maman a réalisé à de nombreuses reprises puisqu’elle s’appelle… Tracy Austin.
Oui, LA Tracy Austin, deux fois championne de ces Internationaux des États-Unis (1979, 1981) et numéro un mondiale en 1980.
Comment ne pas être touché lorsqu’on voit qu’un enfant a « survécu » à la pression qui vient inévitablement quand on est « la fille de… » ou « le fils de… » ? Quand, de surcroit, on décide de pratiquer le même sport et de viser les rangs professionnels, comme son parent.
Ce jour-là qui plus est, Brandon Holt n’y est pas allé de main morte. Le 303e mondial a remporté son premier match au tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem en sortant nul autre que son compatriote et 10e tête de série, Taylor Fritz, en quatre manches de 6-7 (3), 7-6 (1), 6-3 et 6-4.
Il avait obtenu sa place dans le grand tableau grâce à des victoires en qualification contre le Français Alexandre Muller (143e), l’Équatorien Emilio Gomez (115e) et le Bulgare Dimitar Kusmanov (159e).
À 24 ans, Holt n’est pas le joueur prodige du type Carlos Alcaraz ou Félix Auger-Aliassime qui ont gagné leurs premiers matchs de tournois majeurs à un âge plus précoce.
Mais n’allez pas dire ça à maman Tracy. Pour elle, c’était comme si son enfant venait de remporter tous les tournois la même année.
Et que dire de ceux qui accèdent à ce statut professionnel… qui égalent les performances de leur mère ou de leur père… ou qui vont jusqu’à les dépasser ?
Incroyable. Et le terme n’est pas trop fort.
Mais tous les parents n’entraînent pas leur progéniture sur leurs traces. Certains souhaitent même les en éloigner, comme un certain couple formé de Steffi Graf et Andre Agassi. Mais j’y reviendrai au bas de ce texte.
Pour l’instant, voyons qui a enfilé les espadrilles renommées du père ou de la mère.
RUUD
En norvégien, « incroyable » se dit « utrolig », et c’est assurément ce qu’a hurlé Christian Ruud lorsque son fils Casper a remporté son premier match, puis son premier tournoi professionnel de l’ATP. Imaginez s’il devient numéro un mondial et ajoute un tournoi majeur à son palmarès…
Son fils de 23 ans est maintenant détenteur de neuf titres dans le grand circuit. C’est carrément neuf de plus que son père dont la fiche ne comprend qu’une finale et un 39e rang mondial comme meilleur classement. En juin de cette année, c’est le cinquième échelon de l’ATP que Casper Ruud a atteint et un total de huit millions de dollars en bourses, déjà sept millions de plus que son géniteur.
Mais des comparaisons, Christian Ruud n’en a que faire. Car il continue d’être près de son fils en étant son entraîneur.
KORDA
Non loin de là se trouvent les Korda.
Petr Korda et son fils Sebastian
Déjà, les signaux lumineux étaient éblouissants en 2018 lorsque le champion des Internationaux d’Australie de 1998 a vu son fils triompher au même tournoi, mais chez les juniors, 20 ans plus tard.
On lui a même demandé de répéter le saut de joie effectué par son père, à l’époque.
Et pourtant, curieusement, Petr Korda a déclaré qu’il ne voulait pas voir son fils suivre ses traces.
« Je ne voulais pas que mes enfants jouent au tennis. Nous voulions qu’ils s’adonnent à d’autres sports afin qu’ils établissent leurs propres objectifs. Si l’un de nos enfants suit nos traces, les objectifs seront fixés d’avance », mentionnait-il dans une entrevue à la suite du triomphe de son fils Sebastian à Melbourne. Il soulignait aussi que c’est lorsqu’il a vu l’intérêt dévorant de Sebastian pour ce sport qu’il a compris qu’il pouvait tracer son propre chemin.
ZVEREV
Le Russe Alexander Zverev aura eu le bonheur de voir, non pas un, mais bien deux fils suivre ses traces sur les courts du tennis professionnel.
En compagnie de son épouse Irina Zvereva, ici, Alexander Mikhailovich Zverev pose fièrement en compagnie du cadet, Alexander (Sascha) et de l’aîné Mischa.
Les deux joueurs ont un écart de 10 ans et, on le sait, le plus jeune est celui qui connaît la carrière la plus éclatante. Quoique les parents pourront dire qu’ils auront eu deux enfants dans le Top 30 de l’ATP. Mischa, qui a grimpé jusqu’au 25e rang mondial, a aussi remporté un titre de simple, à Eastbourne, en 2018.
Et leur mère n’est pas en reste. Elle-même joueuse professionnelle, Irina Zvereva est celle qui a guidé le jeune Sascha jusqu’à l’âge de 14 ans pendant que son mari accompagnait l’aîné aux quatre coins du monde.
BORG
L’un des plus célèbres de toute l’histoire du tennis, le Suédois Bjorn Borg regarde son fils Leo, qui est âgé de 19 ans, tenter d’atteindre le grand circuit.
Si la ressemblance ne fait aucun doute, la réussite s’avère moins fulgurante pour le jeune Leo.
C’est en mai 2021 que Leo Borg a obtenu son premier point ATP. Il lui aura fallu attendre 10 mois pour obtenir les suivants et il en compte 28, bon pour le 710e échelon mondial.
Il a atteint trois fois les demi-finales de tournois ITF dotés de bourses de 15 000 $ et 25 000 $. Le 2 septembre, il a atteint les quarts de finale à un tournoi disputé au Caire, en Égypte.
Leo Borg a tout de même déjà tâté de la célébrité, au cinéma. Rappelons qu’il a incarné Bjorn Borg, enfant, dans le film biographique Borg vs McEnroe, sorti en septembre 2017.
On le constate, ils ne sont pas légion, ces enfants de vedettes du tennis à avoir suivi leurs traces.
Toutefois, rien ne dit qu’il n’y aura pas une augmentation. Car cette édition des Internationaux des États-Unis semblait regorger de descendants de la raquette.
La preuve :
Comme l’a souligné Randy Walker dans sa publication sur Twitter, le premier jour du tournoi, les fils de Tracy Austin, Petr Korda et Christian Ruud n’étaient pas les seuls aux tableaux principaux du tournoi. Ceux de Bryan Shelton (Ben), de Mary Joe Fernandez (Nicholas Godsick) et de Katy May Fritz (Taylor), ainsi que la fille de Hana Mandlikova (Elizabeth Mandlik) étaient également de la partie.
GOMEZ
Le plus célèbre joueur originaire de l’Équateur avait remporté les Internationaux de tennis de France en 1990. Il a eu le bonheur, 30 ans plus tard, de voir son rejeton, Emilio, accéder au tableau principal de ce tournoi majeur, à Paris, en 2020.
Emilio Gomez est celui-là même qui avait battu Alexis Galarneau, le 31 juillet dernier, en finale du Challenger de Winnipeg.
BRYAN
Vous l’avez constaté au fil de la lecture, les familles de tennis sont principalement composées d’un père et d’un fils. Mais Tracy Austin n’est pas seule. Elle est accompagnée dans ce palmarès par une certaine Kathy Blake.
Cette Américaine n’a pas eu une carrière professionnelle étincelante… tout au plus quelques présences dans les premiers tours des tournois majeurs (1966-1972). Mais lorsque ses fils Bob et Mike ont démontré un intérêt pour le tennis, elle a tenu à ce qu’ils jouent ensemble… du même côté du filet, en leur enseignant les principes, les tactiques et tous les autres trucs du double.
Kathy Blake ne savait probablement pas, à ce moment, qu’elle venait de mettre le feu aux poudres. Et faire naître le plus prolifique duo de l’histoire du tennis.
Classés premiers mondiaux (2003), les jumeaux Bryan totalisent 120 titres de l’ATP, plus de 15 titres du Grand Chelem, 1 Coupe Davis (2007), une médaille d’or olympique (Londres 2012), sans compter les honneurs récoltés lorsque l’un faisait équipe avec un autre partenaire que son frère.
AUTRES DUOS PÈRE-FILS
Oleksandr et Alexander Dolgopolov
Miloslav et Miloslav (fils) Mecir
Fred et Sandon Stolle
Phil et Taylor Dent
Christophe et Édouard Roger-Vasselin
Leif et Joachim Johansson
Ramanathan et Ramesh Krishnan
Ce sont de très belles histoires en effet.
Mais il y a d’autres genres d’histoires qui ne se répéteront pas sur un court de tennis. Pour plutôt se réaliser sur d’autres scènes.
GRAF-AGASSI
Partout où l’on commente ces réussites parent-enfant au tennis, il y a toujours quelqu’un qui pose la question. « Pourquoi les enfants du couple formé de Steffi Graf et d’Andre Agassi ne jouent-ils pas au tennis ? »
On comprend qu’avec de tels gènes, les parents de Jaden Gil et Jaz Elle Agassi devraient déjà rêver de voir leurs fils et leur fille sur le gazon de Wimbledon, à soulever les prestigieux trophées. Leurs parents ne totalisent-ils pas 167 titres professionnels, dont 30 en Grand Chelem ? Et chacun une médaille d’or olympique ?
« Pas question », dit Andre Agassi.
« Le tennis ? Honnêtement, je crois simplement qu’on en a eu assez !, racontait le “Kid de Las Vegas”, dans une entrevue à Fox Sports, il y a une douzaine d’années. C’est un sport étrange. On ne voit d’ailleurs pas beaucoup de joueurs de deuxième génération. Pour nous, il s’agit d’élever nos enfants et de partager leur vie au lieu de toujours nous inquiéter de leur vie. »
En fait, Jaden Gil s’est tourné vers le baseball. Il évolue comme lanceur avec les Trojans de l’Université de Californie du Sud (USC). Il aura bientôt 21 ans.
Quant à Jaz Elle, 19 ans, elle fait de la planche à neige et de la danse hip-hop.
Et toute la famille est heureuse…